IL ÉTAIT UNE FOIS…

Il était une fois un temps. Un temps passé, présent et à venir. Un temps qui s’était glissé dans la peau d’une très vieille femme, qui contemplait majestueusement les humains, du sommet de toutes ses années.

Elle vivait dans la solitude de son expérience. Et également dans le bonheur du partage avec un jeune garçon.

Ce garçon était spécial. Il semblait né pour jouer avec les instants, comme ses camarades semblaient nés pour jouer avec les ballons de foot.

Il jouait avec l’air. Courait avec le silence. Dribblait la vie, en s’inspirant des mouvements élégants dans les airs des oiseaux.

Il jouait à observer les adultes aussi. Et à ce jeu-là, il pouvait compter sur la très vieille femme, qui l’invitait souvent à la rejoindre tout en haut de son expérience, pour de là lui expliquer la raison des mouvements incessants des adultes, en contrebas, sur la Terre :
« Ils ont peur ! »
« Peur ? »
« Oui… Peur de la mort… Ils pensent qu’en oubliant la mort, cette dernière les oubliera aussi. Regarde-moi ! Je n’ai jamais oublié, la mort. Et pourtant, elle n’est toujours pas venue me parler. »

 

Le petit garçon écoutait passionnément cette vieille dame. L’entendre parler, c’était comme si le paysage tout autour se mettait à prendre la parole, pour vous décrire les habitudes des habitants, qui occupaient ces lieux depuis maintenant tant d’années.

Et puis le paysage a fini par mourir. La vieille dame a fini par recevoir sereinement la visite de cette personne qu’elle attendait, en souriant, depuis un moment.

Le petit garçon était à nouveau seul pour observer les adultes. Il montait à nouveau tout en haut des paroles que lui racontait sa grand-mère, mais elle n’était plus là désormais, à ses côtés, pour admirer avec lui pendant de longues heures la tragi-comédie des humains. 

La disparition de sa grand-mère marqua rapidement la fin de la distance qu’il pouvait s’autoriser avec le monde. Enfin plus précisément, la société. Plus âgés, chacun de ses frères, à tour de rôle le réceptionnaient. Et à son arrivée, ils découvraient l’habit qu’on demandait à ce petit de leur apporter et de leur donner : à savoir, le costume de parent.

Le petit garçon découvrait le cinéma quotidien des adultes, comme assis aux premières loges. Il réussit tout de même à s’offrir un peu de distance, en insérant systématiquement entre lui et chaque scène, un rideau de couleur, à savoir les filaments en coton de son métier à tisser.

Sa mère lui avait appris, très jeune, comment donner vie à une matière a priori inanimée, pour créer de véritables histoires qui se propageaient constamment sur le sol, à la surface de somptueux tapis. Le petit garçon, ainsi, parfaitement protégé de la routine et du bruit, par un arc-en-ciel de couleurs et l’isolation du coton, pouvait observer, depuis son métier à tisser, la vie des adultes se raconter à lui, sans ne jamais en subir la sonore oppression ni le cru déroulement.

Le constat du petit garçon, depuis son poste d’observation, était sans appel. Ce que les gens possédaient les possédait. A vouloir conquérir le monde, c’était la peur qui était devenue l’impératrice froide et fascinante du monde entier. La peur s’était emparée du sourire sur leur visage.

La peur contrôlait, comme un officier, tout ce qui entrait ou sortait de leur cerveau. La peur leur ordonnait de bouger, quand bien même ils venaient juste de s’asseoir, et qu’un arbre les regardait, intrigué. Le petit garçon voulait rester le capitaine de ses pensées, ne serait-ce que pour leur demander de s’habiller de manière jolie. De se présenter, face aux gens, dans les habits intrigants et lumineux de la poésie. A l’image des tapis. Il voulait vivre dans la beauté. En voir, en écouter, et également en diffuser. La vie était une équation à plusieurs inconnus. Et pour rencontrer les bons inconnus, il sentait qu’il devait voyager.

Or, il partait en France. Il devait rejoindre un autre frère, sur les conseils de son père. Celui-ci rendait définitivement son costume de parent. Même de vivant. Un frère aîné l’attendait de l’autre côté de la mer.

Une autre rive, une autre époque, celle de l’adolescence, même de la vie d’adulte, vu son physique de lutteur, se présentaient dorénavant à lui. Il était devenu imposant comme une montagne, tout en restant apaisant, doux, comme un silence, un sourire, les courbes sensuelles d’une calligraphie.

Il avait du charme. Il était à lui seul une destination pour partir en vacances. Il cherchait des gens généreux avec qui partir ailleurs, en fusionnant avec ici.

Il étudiait. Il travaillait. Seul, il perfectionnait sa technique. A plusieurs, il improvisait autant ses mots, que ses silences. Il se préparait, sans le savoir, à une rencontre immense. Une rencontre sur un continent lointain. Une rencontre face à des humains, nobles, autochtones, qui connaissaient la nature comme si les arbres étaient des membres de leur famille. Et les arbres étaient des membres de leur famille. Des êtres qui se mélangeaient avec le paysage, à ne plus savoir ce qui était au premier plan et qui vous parlait. Et ce qui était à l’arrière-plan, et qui vous scrutait, vous observait.

Des êtres, qui n’oubliaient pas d’être eux et de jouer leur partition. Tout en se laissant visiter par tout, pour en être une subtile représentation, un parfait échantillon. Des humains qui lui rappelaient la présence originelle et native de sa grand-mère. Une magie dont il ne lui restait qu’une photo. Et qu’il pouvait à présent retrouver dans le trésor vivant d’une vidéo.

La vidéo. Le cinéma. Un art qui correspondait totalement à sa vision de la vie. Réunir le son, l’image, le texte, le décor, les humains, rassembler finalement des lions et des lionnes intrigants dans leur domaine, qui acceptaient humblement momentanément de devenir fourmis, pour édifier tous ensemble la splendeur de cathédrales.

Les années passèrent. Les cathédrales s’édifièrent entre ses mains d’artisan. Il était fier d’offrir aux prisonniers du temps, une immensité de beauté incontournable, qui les invitait provisoirement à arrêter de courir, pour tout juste ressentir. Savourer. Contempler. Seulement, à trop refléter la réalité, l’image pouvait permettre à l’observateur, de conserver des repères, une stabilité, quand une part en lui rêvait d’un grand changement.

Pour leur permettre d’emménager dans l’instant présent, comme si c’était la ville dans laquelle ils avaient rêvé de s’établir depuis toujours : le soir, il prenait ses pinceaux. Ses outils. Il se connectait à ce sentiment d’harmonie, d’infini, qu’il sentait si souvent en lui, quand il ne rêvait pas de posséder. De conquérir. Juste de ressentir. De se mélanger avec chaque seconde. De voir la vie constamment se réinventer. D’écouter le monde, la nature, les oiseaux, lui parler.

Et alors, sur la toile, il faisait fondre les couleurs, les nuances, les contours, pour rendre finalement visible ce sentiment. Et permettre à chacune et chacun d’y goûter. De le savourer. Et de trouver, au quotidien, comment singulièrement se l’approprier.

Il était une fois un temps. Un temps passé, présent et à venir.

Il était une fois un géant au cœur d’enfant.

 Il était une fois…

…Melja…

IL ÉTAIT UNE FOIS…

Il était une fois un temps. Un temps passé, présent et à venir. Un temps qui s’était glissé dans la peau d’une très vieille femme, qui contemplait majestueusement les humains, du sommet de toutes ses années.

Elle vivait dans la solitude de son expérience. Et également dans le bonheur du partage avec un jeune garçon.

Ce garçon était spécial. Il semblait né pour jouer avec les instants, comme ses camarades semblaient nés pour jouer avec les ballons de foot.

Il jouait avec l’air. Courait avec le silence. Dribblait la vie, en s’inspirant des mouvements élégants dans les airs des oiseaux.

Il jouait à observer les adultes aussi. Et à ce jeu-là, il pouvait compter sur la très vieille femme, qui l’invitait souvent à la rejoindre tout en haut de son expérience, pour de là lui expliquer la raison des mouvements incessants des adultes, en contrebas, sur la Terre :
« Ils ont peur ! »
« Peur ? »
« Oui… Peur de la mort… Ils pensent qu’en oubliant la mort, cette dernière les oubliera aussi. Regarde-moi ! Je n’ai jamais oublié, la mort. Et pourtant, elle n’est toujours pas venue me parler. »

 

Le petit garçon écoutait passionnément cette vieille dame. L’entendre parler, c’était comme si le paysage tout autour se mettait à prendre la parole, pour vous décrire les habitudes des habitants, qui occupaient ces lieux depuis maintenant tant d’années.

Et puis le paysage a fini par mourir. La vieille dame a fini par recevoir sereinement la visite de cette personne qu’elle attendait, en souriant, depuis un moment.

Le petit garçon était à nouveau seul pour observer les adultes. Il montait à nouveau tout en haut des paroles que lui racontait sa grand-mère, mais elle n’était plus là désormais, à ses côtés, pour admirer avec lui pendant de longues heures la tragi-comédie des humains. 

La disparition de sa grand-mère marqua rapidement la fin de la distance qu’il pouvait s’autoriser avec le monde. Enfin plus précisément, la société. Plus âgés, chacun de ses frères, à tour de rôle le réceptionnaient. Et à son arrivée, ils découvraient l’habit qu’on demandait à ce petit de leur apporter et de leur donner : à savoir, le costume de parent.

Le petit garçon découvrait le cinéma quotidien des adultes, comme assis aux premières loges. Il réussit tout de même à s’offrir un peu de distance, en insérant systématiquement entre lui et chaque scène, un rideau de couleur, à savoir les filaments en coton de son métier à tisser.

Sa mère lui avait appris, très jeune, comment donner vie à une matière a priori inanimée, pour créer de véritables histoires qui se propageaient constamment sur le sol, à la surface de somptueux tapis. Le petit garçon, ainsi, parfaitement protégé de la routine et du bruit, par un arc-en-ciel de couleurs et l’isolation du coton, pouvait observer, depuis son métier à tisser, la vie des adultes se raconter à lui, sans ne jamais en subir la sonore oppression ni le cru déroulement.

Le constat du petit garçon, depuis son poste d’observation, était sans appel. Ce que les gens possédaient les possédait. A vouloir conquérir le monde, c’était la peur qui était devenue l’impératrice froide et fascinante du monde entier. La peur s’était emparée du sourire sur leur visage.

La peur contrôlait, comme un officier, tout ce qui entrait ou sortait de leur cerveau. La peur leur ordonnait de bouger, quand bien même ils venaient juste de s’asseoir, et qu’un arbre les regardait, intrigué. Le petit garçon voulait rester le capitaine de ses pensées, ne serait-ce que pour leur demander de s’habiller de manière jolie. De se présenter, face aux gens, dans les habits intrigants et lumineux de la poésie. A l’image des tapis. Il voulait vivre dans la beauté. En voir, en écouter, et également en diffuser. La vie était une équation à plusieurs inconnus. Et pour rencontrer les bons inconnus, il sentait qu’il devait voyager.

Or, il partait en France. Il devait rejoindre un autre frère, sur les conseils de son père. Celui-ci rendait définitivement son costume de parent. Même de vivant. Un frère aîné l’attendait de l’autre côté de la mer.

Une autre rive, une autre époque, celle de l’adolescence, même de la vie d’adulte, vu son physique de lutteur, se présentaient dorénavant à lui. Il était devenu imposant comme une montagne, tout en restant apaisant, doux, comme un silence, un sourire, les courbes sensuelles d’une calligraphie.

Il avait du charme. Il était à lui seul une destination pour partir en vacances. Il cherchait des gens généreux avec qui partir ailleurs, en fusionnant avec ici.

Il étudiait. Il travaillait. Seul, il perfectionnait sa technique. A plusieurs, il improvisait autant ses mots, que ses silences. Il se préparait, sans le savoir, à une rencontre immense. Une rencontre sur un continent lointain. Une rencontre face à des humains, nobles, autochtones, qui connaissaient la nature comme si les arbres étaient des membres de leur famille. Et les arbres étaient des membres de leur famille. Des êtres qui se mélangeaient avec le paysage, à ne plus savoir ce qui était au premier plan et qui vous parlait. Et ce qui était à l’arrière-plan, et qui vous scrutait, vous observait.

Des êtres, qui n’oubliaient pas d’être eux et de jouer leur partition. Tout en se laissant visiter par tout, pour en être une subtile représentation, un parfait échantillon. Des humains qui lui rappelaient la présence originelle et native de sa grand-mère. Une magie dont il ne lui restait qu’une photo. Et qu’il pouvait à présent retrouver dans le trésor vivant d’une vidéo.

La vidéo. Le cinéma. Un art qui correspondait totalement à sa vision de la vie. Réunir le son, l’image, le texte, le décor, les humains, rassembler finalement des lions et des lionnes intrigants dans leur domaine, qui acceptaient humblement momentanément de devenir fourmis, pour édifier tous ensemble la splendeur de cathédrales.

Les années passèrent. Les cathédrales s’édifièrent entre ses mains d’artisan. Il était fier d’offrir aux prisonniers du temps, une immensité de beauté incontournable, qui les invitait provisoirement à arrêter de courir, pour tout juste ressentir. Savourer. Contempler. Seulement, à trop refléter la réalité, l’image pouvait permettre à l’observateur, de conserver des repères, une stabilité, quand une part en lui rêvait d’un grand changement.

Pour leur permettre d’emménager dans l’instant présent, comme si c’était la ville dans laquelle ils avaient rêvé de s’établir depuis toujours : le soir, il prenait ses pinceaux. Ses outils. Il se connectait à ce sentiment d’harmonie, d’infini, qu’il sentait si souvent en lui, quand il ne rêvait pas de posséder. De conquérir. Juste de ressentir. De se mélanger avec chaque seconde. De voir la vie constamment se réinventer. D’écouter le monde, la nature, les oiseaux, lui parler.

Et alors, sur la toile, il faisait fondre les couleurs, les nuances, les contours, pour rendre finalement visible ce sentiment. Et permettre à chacune et chacun d’y goûter. De le savourer. Et de trouver, au quotidien, comment singulièrement se l’approprier.

Il était une fois un temps. Un temps passé, présent et à venir.

Il était une fois un géant au cœur d’enfant.

 Il était une fois…

…Melja.

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