Le miracle de la photo
Comment ne pas croire au miracle de la photo, vu comment elle a ressuscité ma grand-mère ?
Ce chef d’œuvre de femme, ce tableau échappé lui-même du Louvre, cet être venu d’un autre temps, d’un passé très lointain, et d’un futur tout aussi éloigné, cette magie qui reprenait inlassablement vie chaque matin, a cessé d’un coup d’exister. Adolescent, je n’avais plus que l’approximation de mes silences pour répondre à mes questions. Et plus que le bruit de la foule, la journée, pour me tenir compagnie.
Elle a fermé les yeux. On a fait disparaître quelque part son visage. J’erre dans ce pays, désormais sans capitale. Je ne la cherche plus. Et en ouvrant un tiroir, voilà finalement que je la trouve. Miracle de revoir son visage. Je souris, en la tenant miraculeusement dans ma main, comme si je la tenais à nouveau dans mes bras. L’image est fixe dans ma main. Mais dans ma tête, les images se mettent à bouger. Un film est projeté dans mon esprit, je suis assis au premier rang, et je la réentends parler, m’aimer, me répondre et me sourire.
Les photos sont les plus belles étincelles. Elles allument un feu et laissent ensuite le soin à notre imagination d’alimenter la puissance du brasier. De choisir vers où éclairer et aussi réchauffer. Certains jours, je laisse ces premières étincelles mourir. Le présent m’intrigue, je me lève et m’en vais : je délaisse le souvenir. D’autres fois, j’alimente le feu toute la nuit. Et je te retrouve, pour d’anciennes et de toutes nouvelles conversations… Des ballades infinies…
Ce soir, peut-être, seras-tu là à mes côtés… En tout cas, je connais, depuis ce jour, la formule magique, le passage secret, pour pouvoir te retrouver.
Comment ne pas croire au miracle de la photo, vu comment elle a redonné vie, juste après qu’elle soit partie, à la tendresse de ma grand-mère ?